L’immortalité de l’homme
Depuis toujours, l’homme ne cesse de rechercher ce qui le rendrait
éternel. De multiples questions restent sans réponse, telle que :
« Pourquoi vieillit-on ? »
Grâce à de nombreuses améliorations en matière d’hygiène et d’alimentation,
l’espérance de vie des êtres humains s’est considérablement accrue durant le
dernier siècle. Des inventions comme les égouts et le système de cueillette
des ordures ménagères nous paraissent bien ordinaires de nos jours mais
lorsqu’on y réfléchit plus longuement et que l’on s’attarde au fait qu’il y a
quelques dizaines d’années, ces services essentiels n’existaient pas, on
comprend alors comment la longévité de l’homme ait pu augmenter à ce point.
Or, la revue New Scientist annonça, dans un article de Michael Bay du numéro
du 28 septembre 1996, ceci : « Une équipe de l’Université de Pretoria en
Afrique du Sud a réussi, ce mois-ci, à faire battre à nouveau le cœur d’un rat
qui avait, préalablement, été congelé à environ -196°C. [...] Quand il fut
dégelé, le cœur se remit à battre normalement et ne montra aucun signe de bris
cellulaire au microscope électronique. » Cet article, on le comprendra, ne fit
qu’attiser la tendance de l’homme à rechercher l’immortalité.
Quoiqu’il en soit, cet article fit le bonheur de certaines compagnies de
cryogénisation qui, depuis lors, ne cessent de voir leur profit augmenter.
Parmi celles-ci, la compagnie Alcor Life Extension vous offre, pour une somme
se situant entre environ 50 000 et 120 000 dollars américains, de vous
congeler tout entier ou uniquement votre tête. Elle vous promet aussi une
« résurrection » qui débouchera sur un réveil dans le monde de nos lointains
descendants. Un rêve qui coûte bien cher...
Le plus étonnant, dans ce lucratif marché de plus de 300 millions de dollars
américains, vient de l’oubli d’informer adéquatement les clients sur la nature
même de la congélation de systèmes vivants (cellules, organes, corps).
Contrairement à l’homme, la grenouille peut survivre à une grande période
de froid intense.
Gracieuseté du groupe de protection et de développement de la nature en
Hesbaye et du Siajef (voir
http://mrw.wallonie.be/dgrne/ong/re...)
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Les cellules des organismes vivants contiennent beaucoup d’eau. Or, en
congelant un organisme, l’eau contenue dans les cellules se dilate puis se
cristallise. Cette transformation de l’eau produit des micros-lames
tranchantes qui déchirent littéralement les parois cellulaires,
endommageant ainsi le tissu tout entier. Les chercheurs de ce domaine
tentent donc de trouver des façons d’éliminer ces lames tranchantes.
Tout d’abord, les cryobiologistes se sont tournés vers les amphibiens qui
s’adaptent très bien aux froids intenses. En étudiant le métabolisme de
la grenouille sylvestre, par exemple, ceux-ci découvrirent que cette
grenouille libérait une protéine antigel appelée AFP qui empêche les
cristaux tranchants de croître en les « enveloppant ». La molécule d’AFP
agit donc comme une sorte de bouclier qui empêche la formation de
cristaux. Les chercheurs entreprirent donc d’ajouter certains antigels
organiques à l’eau de l’organisme humain afin d’en abaisser le point de
congélation de l’eau.
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Cependant, deux problèmes surgissent : d’une part, l’antigel en question
ne se répartit pas également dans tout l’organisme et, d’autre part, les
animaux (les humains inclus) possèdent une protéine qui joue le rôle
inverse des antigels et qui contre ainsi l’effet potentiel des antigels.
En outre, dans le processus de congélation, un autre phénomène
physiologique entrave la conservation intacte d’une cellule : l’osmose. Ce
phénomène, illustré sur la figure ci-contre, est fort simple. De chaque
côté de la membrane semi-perméa.ble on verse une solution liquide de
concentrations différentes. Sur la figure, les points représentent des
molécules. Celles-ci se promènent aléatoirement dans le liquide de sorte
qu’il se forme une pression, due aux collisions, sur les parois du
contenant. La pression osmotique initiale (image de gauche) est donc
inférieure du côté gauche que du côté droit à cause du nombre inférieur de
molécules. L’eau, qui sert de solvant aux molécules, tentera donc
d’équilibrer les deux pressions en se déplaçant de gauche à droite.
L’équilibre osmotique s’établit (image de droite). Il est possible de
visualiser le phénomène de l’osmose directement sur Internet à l’adresse :
http://www.ulg.ac.be/virofond/biogen/page13.htm
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Au départ, nous avons deux solutions aux concentrations différents.
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La pression osmotique tend à équilibrer les concentrations de chaque côté.
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L’eau et d’autres substances de notre organisme peuvent entrer et sortir d’une
cellule par simple filtration. Or, la concentration à l’intérieur de la
cellule en eau et en certaines substances telles que les ions sodium (Na+) et
les ions potassium (K+) doivent rester constantes pour maintenir la cellule en
vie. Heureusement, presque chacune des cellules de notre corps est dotée de
petites pompes appelées pompes à sodium-potassium (original, non ?) qui
rejettent vers l’extérieur les intrus osmotiques. La concentration est donc
toujours plus importante en ions à l’intérieur qu’à l’extérieur de la membrane
de la cellule. C’est ce déséquilibre osmotique qui assure la survie de la
cellule.
Cependant, lorsqu’on refroidit les cellules vivantes d’un tissu quelconque, le
froid bloque ces pompes à sodium-potassium et provoque la formation de
cristaux de glace dans le liquide extérieur où baigne la cellule. La
concentration de l’eau dans le liquide extracellulaire diminue donc puisque
l’eau se transforme peu à peu en glace. En conséquence, la pression
osmotique, qui s’exerce sur les parois de la cellule, la vide de son eau :
elle implose.
Comme résultat, la congélation sans dommage, par processus lent, sur une
cellule humaine demeure impossible : soit des cristaux de glace se forment et
déchirent la membrane, soit la cellule s’effondre sur elle même à cause de la
pression osmotique. Voilà pourquoi aucun organe humain n’a jamais survécu aux
basses températures.
Si certains amphibiens comme les grenouilles arrivent à pouvoir dompter si
bien le froid, pourquoi pas l’homme, demanderez-vous ? Eh bien, tout
simplement parce que l’homme est trop grand. Il possède trop de cellules et
il devient impensable de pouvoir contrôler la vitesse de congélation de toutes
ses cellules à la fois. Faudrait-il se décourager pour autant ? Non, sûrement
pas ! Cependant, les chercheurs doivent garder à l’esprit que les conséquences
néfastes du froid sur la cellule resteront probablement inévitables. De plus,
l’homme possède trop d’organes pour permettre de le congeler tout entier.
Chaque organe demande une vitesse de congélation bien différente des autres.
Un autre obstacle nous éloignant de l’immortalité...
Y a-t-il de l’espoir ? Tout à fait !! Dans ce domaine de recherche extrêmement
prolifique, l’équipe scientifique menée par Gregory M. Fathy des Naval Medical
Research Laboratories a mis au point, depuis peu, une nouvelle technique de
conservation d’organes à basses températures. Puisque la congélation
classique ne réussit que sur de petits paquets de cellules, il fallait penser
à un autre moyen de congeler un grand nombre de cellule.
C’est alors que la thermodynamique apporta une solution. On sait que les
matériaux solides peuvent être cristallins ou amorphes. Un matériau
cristallin est caractérisé par un aménagement particulier et ordonné des
particules qui le constituent. En pratique, un matériau solide diffracte
les rayons X uniquement si ses constituants (les molécules) sont alignés
dans un ordre précis. (Pour plus de renseignements sur le phénomène de
diffraction, visitez le site
http://www.xena.ad/lcf/optique/diffraction.htm).
Un matériau (comme le verre) est dit amorphe lorsqu’il ne rencontre pas
les caractéristiques expliquées plus haut. Pour l’eau, par exemple, la
physique nous apprend qu’à des conditions extrêmes et en refroidissant
ultra rapidement, la cristallisation de l’eau laisse place à la
vitrification. La vitrification immobilise les molécules dans le plus
parfait désordre. Les molécules de cette glace « non-cristalline » ne
forment aucun arrangement particulier. Ce moyen élimine le problème des
cristaux tranchants abîmant les tissus et les organes humains et celui de
l’osmose. Par contre, il est très difficile de vitrifier ainsi toute
l’eau contenue dans le corps humain sans former à plusieurs endroits des
cristaux.
Pour contourner cette difficulté, certains chercheurs ajoutent aux organes
de grandes concentrations de substances antigels. Malheureusement, une
trop grande concentration de ces produits est mortelle pour l’humain.
Cependant, les chercheurs travaillent justement sur un savant dosage de
substances cryoprotectrices (antigels) qui annuleraient mutuellement leur
toxicité. Hélas, l’aboutissement de ces recherches ne sera guère pour
demain et ce, bien que de grands pas aient été franchis dans cette
direction.
Qu’arrivera-t-il avec les corps tenus en hibernation par des société comme
Alcor Life Extension ? Nul ne le sait jusqu’à ce jour ! Alcor prétend que
la médecine saura pousser assez loin la nanotechnologie médicale pour être
capable de réparer toutes les cellules qui ont été endommagées par le
froid. Lorsqu’on y pense un peu, il semble presque impossible de réparer
les milliards de milliards de cellules qui composent un seul être humain.
En plus, Alcor possède déjà plusieurs cadavres à traiter...
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Chacune de ces « citernes thermos » renferment le corps d’un défunt.
Toutefois, existera-t-il un jour des spécialistes en mesure de les
« réveiller » ?
Gracieuseté de Media Architects @
media-architects.net |
Pourra-t-on trouver une protection contre le froid extrême ? Voilà toute une
polémique... Quoiqu’il en soit réellement, il restera toujours des compagnies
pour vanter les mérites de la cryogénisation... et ce, bien que la difficulté de
recréer un homme à partir d’un tas de chair inerte semble insurmontable.
Pierre-Luc Benoît f
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Bibliographie
- http://www.alcor.org/ (site de la
société américaine ALCOR LIFE EXTENSION)
http://terresacree.org/cryo.htm- CAMPBELL, Neil A., Biologie, Édition du Renouveau Pédagogique, chap. 8
http://www.physique.usherbrooke.ca/attracte/14-2003/Immortalite_Homme.htm